Deviens reporter sans frontière pour une enquête inédite et explore ce qui se joue entre les langues !
Catégorie: Au fil des films
Thème: L'étrangeté
Âge: Intergénérationnel
Type: Individuel
Niveau de langue: B1 et plus
Date de commencement: 04/09/2023
Date de soumission: 23/12/2023
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Il est toujours un risque pour la pensée de cesser d’être étrangère, un risque de s’installer, de se figer, de s’enraciner et de perdre cette fraicheur du regard, cette capacité critique toujours recommencée.
« Nous pensons toujours ailleurs » disait Montaigne. Si l'on fait oeuvre de pensée honnête, il faut occuper la position de l’étranger, ne pas être complètement dans l’appartenance. Faisons l'effort d’être exterritorial pour remettre constamment en question les présupposés à partir desquels on part. Quel plaisir de s'interroger sans relâche sur ses constructions conceptuelles! Délectation de l'aventureux. Risque du vertige qui émerveille. Bonheur d'une aventure jamais achevée.
C'est vrai quoi! Comment un poisson pourrait-il rendre compte de l'expérience de son bocal tant qu'il ne l'a jamais quitté? Il ignore même jusqu'à l'existence de l'Autre, ne peut concevoir que son système de représentation puisse être différent. La foi en sa rationalité froide et toute puissante l'aveugle. Pire, il va jusqu'à prétendre en l'universalisme de son modèle!
L'étranger au contraire, jouit d'un privilège épistémologique tout particulier qui favorise son regard critique. Rupture de la banalité. Rien pour lui ne se donne pas immédiatement comme tel. Toujours dans les marges, en porte à faux, en décalage, il se joue continuellement de l'écart. Tout devient prétexte à la réflexion.
Sillonnons nos rues interculturelles pour recueillir la pensée de ces étrangers anonymes. Eux qui possèdent ce regard déshabitué qui leur permet d'observer à nouveau frais ce qui est banal pour les autres. Offrons leur un Philoasis pour nous conter leur perspicacité. L'étranger a tant à nous apprendre sur nous-mêmes. Déportons le regard pour mieux voir!
Pour participer à cette enquête philo collaborative et faire partie de notre belle équipe de reporters sans frontière géographique et conceptuelle, manifeste ton intérêt en t’inscrivant au projet et nous communiquerons très prochainement avec toi pour te transmettre les modalités détaillées de ce partenariat.
Pourquoi un Philoasis?
Un oasis, c'est un endroit pour se désaltérer. Et se désaltérer, c'est se rafraîchir le corps pour se rafraîchir l'esprit, voir plus clair, renouveler son énergie. C'est suspendre pour un moment ses altérations. Les suspendre pour mieux en prendre conscience.
Les altérations, c'est ce qui rend autre "alter", unique et donc précieux. Mais c'est aussi ce avec quoi on doit composer, ce de quoi on part fondamentalement pour interpréter.
Petite métaphore musicale pour bien comprendre : En musique, l'altération, c'est ce changement par rapport à un état naturel de la gamme. Si ces altérations sont à la clé (c'est à dire en tête du morceau) -et pas accidentelles (c'est à dire survenant au cas par cas en cours de morceau)- cela signifie que c'est la norme pour ce morceau, alors on les prend pour acquis. On pourrait comparer cela à notre clé de lecture du monde, nos présupposés inconscients, en somme. C'est de ces altérations à la clé que découle la tonalité d'un passage de musique, c'est ce qui donne le ton, ce qui génère le climat général qui va nous envelopper.
Les hommes sont à l'image d'une partition musicale. De la même manière, nous avons des dispositions assez stables, nos altérations personnelles qui nous viennent de multiples causes: l'époque et les lieux où on a vécu, nos origines, notre sensibilité, nos expériences, les gens qu'on a fréquenté, etc. Ces altérations, qui font de nous ce que nous sommes, nous donnent la coloration du paysage de fond à travers lequel on filtre la réalité. L'état naturel et idéal de la réalité ne nous est pas accessible. Tout ce que nous percevons de la réalité n'est que simples représentations.
Ma propre tonalité diffère de celle de mon voisin. Certaines tonalités sont proches, d'autres lointaines voire dissonantes les unes les autres. Parfois, avec certains, elle entre en harmonie tandis qu'avec d'autres, c'est la cacophonie. Mais aucune n'est meilleure qu'une autre absolument. Chacune est meilleure pour telle ou telle circonstance, dans tel ou tel contexte. Si on a appris à déchiffrer nos altérations, à savoir d'où et pourquoi on pense ce qu'on pense, alors on peut se comprendre les uns les autres. On peut même décider d'altérer accidentellement notre partition au cas par cas, pour entrer en adéquation avec la pensée d'un autre, pour mieux saisir son univers, ou parce qu'on trouve qu'elle est plus adaptée pour nous dans tel ou tel contexte. On peut même vouloir changer sa tonalité à la clé. On prend connaissance d'une multitudes de manières d'appréhender le réel, de divers paradigmes logiques. C'est ce qu'on appelle l'ouverture d'esprit. Ce n'est pas une compétence à acquérir aux moyens d'exercices mais une attitude de réceptivité et d'écoute à qui ne se modèle que petit à petit à long terme.
Si au contraire, je prétends de façon dogmatique, sur la défensive, que ma tonalité est la plus pure, la seule valable, et qu'elle devrait s'imposer à tous comme l'universel, alors je risque de générer des désaccords, des cadences discordantes et je cours vers la syncope. Une telle position n'est tenable ni pour le bien collectif, ni pour son propre soin.
Désaltérons-nous dans l'oasis pour mettre à jour ces altérations, mettre à nu ce à partir de quoi on pense. Et c'est dans la rencontre de l'autre "alter" et par les langues en contact, la métacognition en langues, que je peux mieux me découvrir et évoluer avec moi-même et avec les autres.
Bien des altercations pourraient être évitées si on avait l'humilité de prendre conscience de ses altérations.