Cacophonie chez Monsieur Dièse et Madame Bémol !

La musique est la langue des émotions.
 

Emmanuel Kant

Visualisez : C’est le matin, un matin de printemps, dans les rues pavées de Vienne. Vous déambulez tranquillement dans l’une de ces charmantes voies piétonnes de la ville sur lesquelles les marchands commencent à installer leurs tréteaux pour le marché ouvert. Il fait bon, vous avez tout votre temps pour flâner.

Soudain, la mélopée d'une flûte vous enveloppe de son timbre clair. Envouté par ce son voluptueux, vous cherchez à déterminer son origine et vous avancez en sa direction. Lorsque vous arrivez à sa hauteur, une agréable sensation vous gagne. Votre cœur bat un peu plus vite et un léger frisson vous parcourt le cou et descend le long du dos. Emu aux larmes, vous souriez au musicien, et, en repartant, sa musique vous accompagne jusqu'au bout de la rue. Son timbre éclatant s'est affaibli, mais vous savourez encore l'émotion ressentie.

Pourquoi cet air de flûte vous a-t-il plongé dans un tel ravissement ?

Vous en êtes encore absorbé par ces considérations quand au détour d’une rue, vous rencontrez Monsieur Dièse et Madame Bémol, un couple souvent en désaccord, bien connu de par le quartier pour ses hauts et ses bas émotionnels.

Les 2 personnages ne s’accordent pas : il y a souvent comme une dissonance entre eux. Un bémol artificiel est venu jouer les trouble-fêtes dans l’accord majeur des premiers jours ; cet accord s’est érodé, terni, avec le temps, il est devenu mineur. Comment retrouver l’état naturel et son harmonie ? 
Bon, on doit bien avouer que cette petite tension, ce petit bémol fait bien parler de lui ; au moins, grace à lui, on ne s’ennuie pas, les potins vont bon train !

D’ailleurs, l’émotion qui ressort de leur accord mineur n’est pas toujours triste : quand ils entrouvrent la porte de leur foyer, on peut entendre des coups d’éclat positifs, même en mineur…. De même qu’il existe des musiques mélancoliques en majeur. Ce serait une vilaine erreur de ne se fier qu’à l’apparence. En fait, l’avantage de l’accord mineur pour nous, habitants du quartier, c’est qu’il fait varier une panoplie d’émotions pour autant d’histoires à rebondissements. Et les ragots de voisinage, on en raffole. Ca ne se démode pas, on ne s’en lasse jamais. C’est bien connu, les émotions musicales, c’est le socle de la cohésion sociale ! 

On s’est donc réuni sous le vieux platane, l’autre jour, pour en discuter et se résoudre à aider le cher couple Monsieur Dièse et Madame Bémol, roi des scènes de ménage, à se réconcilier sous un mode majeur, pour leur bien.

Plusieurs alternatives se sont présentées à nous : …capturer Madame Bémol pour augmenter sa fréquence ? …organiser une discussion à voix unique ?...laisser la nature mener son train ? Après tout, un accord, même mineur, restait un accord ? Ne parvenant à se décider, on a fait appel à plus futés que nous : aux physiciens d’abord, passés maitre dans l’art d’accorder les fréquences par les méthodes rationnelles, puis aux musicologues ensuite pour déterminer si notre perception ou notre interprétation du mode mineur pouvait être universellement partagé ou pas.  Oui, c’était important pour nous de déterminer si les civilisations musicales extra-européennes ressentaient, comme nous, le mineur comme triste. Si ce n’était pas le cas, on avait convenu qu’on laisserait le couple mener sa vie comme bon lui semble, sans intervenir. 

Renseigne-toi dans le caravansérail, après ton inscription, sur les rapports et compte rendus laissés à disposition par les physiciens et les musicologues. C’est très révélateur !

Une fois bien éclairé et avisé, ce sera à toi de sceller la décision finalement prise par le comité de quartier. 

1. Doivent-ils résoudre d’une façon ou d’une autre cet accord mineur instable dans le couple fatal Dièse et Bémol ? 
2. Est-il au contraire préférable pour les notes du quartier d’apprendre à apprivoiser cette étrangeté du bémol et à en sonder tous les mystères émotionnels ? 

Comme avec ce couple, on n’est jamais au bout de nos émotions, ce sera l’occasion pour toi d’en explorer toutes les facettes et toutes les nuances.

Parce qu’on communique tellement mieux dans la vie quand on maitrise les nuances !  Et tellement de querelles pourraient être désamorcées si on prenait le temps d’exprimer ses émotions avec précision.